Une journée dans la classe de Mlle Dionne

Herminie Dionne obtient son brevet de capacité à Trois-Rivières, le 3 mai 1881, puis débute sa carrière d’institutrice dans une école de rang, située à Saint-Cyrille-de-Wendover. L’année scolaire débute le premier lundi de septembre et se termine à la fin du mois de juin. Arrivée à Saint-Cyrille quelques jours avant la rentrée, Herminie en profite pour sentir l’ambiance de sa classe. Les commissaires ont bien fait leurs devoirs. Les pupitres ont été nettoyés, puis alignés en rangées bien droites. Le tableau noir brille et le plancher a été lavé avec soin. Elle ferme les yeux et s’imagine déjà enseigner, une craie blanche à la main, ses leçons de grammaire, d’arithmétique et d’histoire, répondre aux questions des plus curieux et discipliner, s’il le faut, les plus téméraires. Elle a déjà hâte de les rencontrer.

Lundi matin 7h, Herminie ne dort plus. Sa vie de maîtresse d’école commence ce jour-là. Elle met une bûche à chauffer dans le poêle à bois, puis s’installe à son bureau. 8h25, les premiers enfants arrivent. Encore timides, ils s’assoient en silence. 8h30, la séance commence. Mlle Dionne entame la prière du matin, puis prend les présences :

-Arsénia Lauzière?

-Présente Mlle!

Jean-Baptiste Verrier?

-Présent Mlle!

Sa classe compte 42 élèves, 23 filles et 19 garçons, âgés, pour la plupart, entre 5 et 13 ans. Un exemplaire des Devoirs du Chrétien à la main, la séance débute avec une période de lecture. Entre 9h et 10h, les enfants s’entraînent à épeler. Mlle Dionne félicite ses élèves pour leur bon travail, puis les envoie à la récréation. 15 minutes plus tard, la maîtresse d’école est prête à reprendre. S’ensuit des leçons de grammaire, puisées dans l’Abrégé, et quelques exercices. Entre 11h et 11h30, on procède à l’écriture d’une courte dictée. Une fois la rédaction terminée, les enfants sont appelés à réciter une prière. Mlle Herminie les laisse ensuite partir pour aller dîner.

Au retour de la pause : prière et présences. Quelques enfants manquent à l’appel, mais Herminie ne s’en fait pas. Certains ont dû rester à la maison pour aider leurs parents. En après-midi, le programme prévoit des leçons d’histoire et d’arithmétique. Le temps file, c’est déjà l’heure de la récréation. Mlle Dionne ouvre les fenêtres pour faciliter l’aération de sa classe, tandis que ses élèves jouent dehors ou dessinent sur l’ardoise. Au retour de la pause, on révise certaines notions du catéchisme et de l’Histoire Sainte. Il est bientôt 16h. Les enfants ont bien travaillé. L’institutrice s’en réjouie. Avant de les laisser partir, Herminie leur demande de bien vouloir l’accompagner pour une dernière prière. La porte s’ouvre. À la sortie, les enfants se bousculent un peu. Herminie sourit, cela lui rappelle ses années passées au Pensionnat…L’année scolaire prévoit 207 autres jours comme celui-ci.

Les registres d’inscription et d’appel contenus dans son fonds d’archives indiquent que pour cette année-là, Herminie Dionne a gagné environ 80.00$. Conservés avec soin dans nos locaux, ces documents posent également un regard sur les années scolaires de 1884 à 1899 et permettent de mieux comprendre le métier d’institutrice, exercé dans les campagnes du Québec, à la fin du 19e siècle.

Martin Bergevin

 

VISUEL  : Une institutrice et ses élèves devant une école de rang située à Saint-Cyrille-de-Wendover, à la fin du 19e siècle. (SHD, Fonds Thérèse Janelle; P49-8.3D5)