Un moulin d’une autre époque

Témoin d’une époque révolue, le Vieux Moulin à laine d’Ulverton est unique au Québec et même au Canada. C’est William Reed Dunkerley qui fait bâtir en 1868 l’actuel moulin d’Ulverton qu’il exploite pendant 23 ans, avec sa femme et ses enfants. Mais pour mener à bien ces travaux d’envergure et acheter des machines en Angleterre, il doit contracter de lourds emprunts et hypothéquer sa propriété. En 1872, Dunkerley ne pouvant faire face à ses obligations, la Durham Woolen Factory est reprise par ses créanciers.

En 1875, le moulin est acquis par George Henry Goddard. Victime de difficultés financières, Goddard le cède à son tour en 1892 à son créancier Gavin Shanks. En 1895, le moulin est acheté par Albert Harry Hepworth, qui l’exploite jusqu’en 1906.

Le 15 novembre, Joseph Blanchette signe une promesse d’achat et exploite le moulin jusqu’en 1939 sous la raison sociale de « Ulverton Wooden Mills. » Le nouveau propriétaire devient alors le plus important employeur du village, 10 à 15 personnes y gagnant leur pitance. Mais victime de la concurrence des usines de textile plus modernes et compétitives, le moulin d’Ulverton est vite condamné. Le Vieux Moulin, en effet, par sa technologie et son système commercial archaïques, se trouve à mi-chemin entre les productions artisanale et industrielle.

Joseph Blanchette, fatigué et malade, cède alors le moulin pour la somme de 7500$ à Joseph-Émile Duval et Gérard Raymond, qui déménagent les installations à Princeville en 1944 pour mieux faire face aux nouvelles conditions du marché. Quant aux vieilles machines devenues inutiles, elles sont envoyées à la casse de crainte qu’elles ne tombent entre les mains de concurrents. « Progrès, quand tu nous tiens ! »

Le site lui-même est vendu à Euclide Viens, un marchand de Durham-Sud. Et la valse des acquisitions se poursuit : en 1952, William Westlake tente même une expérience éphémère d’élevage du vison… Le moulin est alors cédé à Hilaire Blanchette, un machiniste de Drummondville. En 1973, c’est au tour de Hughes Simoneau de s’en porter acquéreur.

Le Vieux Moulin connaît alors une seconde vie. Reconnu monument historique en 1975, puis site historique en 1977, on entreprend sa mise en valeur à l’initiative de Bertrand Roy, un homme d’affaires drummondvillois qui met sur pied la Corporation du Vieux Moulin d’Ulverton. Le moulin est alors rénové pour devenir le plus important centre d’interprétation des textiles au Canada. En effet, il ne reste qu’Ulverton pour témoigner des anciennes fabriques de lainages. Grâce à une riche collection de machineries anciennes, le Vieux Moulin permet de suivre toutes les étapes de la transformation de la laine au siècle dernier.

Jean-Pierre Bélanger

 

Photo : Le vieux moulin d’Ulverton (Coll. SHD)