Souvenir de l’été 1953

C’est à l’été au mois d’août que j’ai quitté seul, pour la première fois, le foyer familial pour le camp d’été de santé, j’avais 9 ans.

Le père de mon ami Gilles, nous y a reconduit un beau dimanche après-midi. Nous allions découvrir une foule d’activités et de nouveaux amis. Détail important, il y avait une piscine, denrée rare à cette époque dans notre ville; alors que la magnifique St-François était presqu’un égout à ciel ouvert dans ces années-là. Le contraste était d’autant plus frappant car fraîchement arrivés à Drummondville nous avions connu les eaux cristallines de la Matapédia et le lac à l’onde limpide au pied de notre chalet.

Ce camp fut pour ma mère qui était veuve, une libération. Elle me savait en lieu sûr et n’avait pas à se soucier pour un mois à savoir si j’étais à faire un mauvais coup ou si je me trouvais dans un endroit défendu. J’avais 5 sœurs à la maison et pour ma part c’était un temps de paix et j’imagine qu’il en fût de même pour elles.

Nous avions des monitrices pour diriger les activités sportives et autres, sans oublier les sœurs du Bon-Conseil responsables du camp. Nous couchions dans des dortoirs à l’intérieur desquels s’alignaient les lits à 2 étages. La nuit, nous entendions la pompe de la piscine qui sans relâche crachait l’eau, c’était presqu’un somnifère par son bruit régulier et monotone.

Certains se sont ennuyés les premiers jours, d’autres ont eu de la difficulté à s’habituer au menu du réfectoire. Ce n’était pas la bonne cuisine de ma mère mais au bout de 3 à 4 jours, étant très actifs, nous apprécions déjà les plats.

Les journées passaient vite. Levés tôt, nous avions la messe à tous les matins, célébrée par l’abbé Jules-André Mathieu et le soir le chapelet récité par la sœur directrice. C’était l’époque où tout baignait dans la religion : camps d’été, scouts et syndicats. Il ne faudrait pas oublier la levée du drapeau le matin et sa descente le soir et qui étaient exécutées par le campeur du jour, titre mérité par une bonne conduite ou l’amélioration de sa conduite.

Les journées se passaient donc rythmées par la sport, les jeux et la baignade, sans oublier que nous chantions souvent, les airs que l’on nous enseignait et ceux que nous connaissions. Nous y allions avec cœur même si nous faussions.

Nous avons en droit à quelques excursions dans la forêt tout proche. Les monitrices étaient très patientes et il fallait qu’elles soient décidées pour s’occuper de cette horde de jeunes qui aimaient étirer les limites des règlements.

La baignade de l’après-midi était fort attendue et appréciée. L’eau de la piscine était pompée d’un puits artésien, donc très fraîche. À l’époque, la sécurité aquatique était déficiente. J’ai failli boire à la grande tasse dans cette piscine. Heureusement que mon ami Gilles G. m’a aperçu pour me tirer de là alors que j’étais en train de glisser dans la partie creuse, en avalant de l’eau. Il ne se souvient sûrement pas de l’incident mais moi je n’ai jamais oublié ce geste, je lui en dois encore une.

Je n’ai passé qu’un seul été à ce camp mais j’ai revu souvent ces bâtiments à l’automne au temps de la chasse et en hiver lors de nos expéditions en raquettes.

Dans les années 60, la bâtisse du réfectoire a brûlé à l’hiver. Probablement que des intrus s’y sont introduits et ont allumé un feu dans le foyer qui n’était pas protégé par un pare-étincelles et le tout a flambé comme une boîte d’allumettes.

À la fin d’août le camp s’est terminé et nous sommes revenus à la maison, heureux comme Ulysse qui fit un beau voyage et avec un petit pincement de cœur d’avoir quitté des amis.

Il est un peu tard, mais je remercie tous ceux qui ont permis à de nombreux enfants de connaître les plaisirs et le bienfait d’un tel camp : Sœurs du Bon-Conseil, Club Richelieu pour ses levées de fond et ces monitrices qui ont eu la patience de nous endurer.

Georges Lavoie

VISUELS : Le camp de santé de Drummondville en 1944. (SHD, Collection régionale)