Près du Bon Dieu

La construction de la première église de Saint-Germain-de-Grantham débute  en 1864 et n’est complétée qu’en 1891.  Le clocher ayant été emporté par une tornade, on complète des rénovations et un agrandissement en 1906.  À l’origine, le cimetière paroissial est attenant à l’église, suivant la coutume religieuse euro-québécoise.  Son caractère sacré tient au fait qu’il est à proximité de l’église, qu’il partage le même sol, et qu’il est béni. Son accès est limité aux membres de la communauté s’ayant mérité les grâces de Dieu. De plus, il est en général bien délimité par une clôture ou un muret et de dimensions assez restreintes. Ainsi, vers la fin du 19e siècle, ces cimetières paroissiaux font face à un problème d’espace.

Pour contrer le surpeuplement, certaines paroisses choisissent d’agrandir le « champ des morts », horizontalement ou verticalement. Dans le premier cas, on se voit la possibilité d’acheter des bandes de terre supplémentaires alors que dans le second, on utilise la technique du comblement. On rehausse alors le cimetière avec de la terre que certains villageois peuvent donner à la communauté pour poursuivre l’inhumation des défunts. Cette pratique a d’ailleurs sensiblement modifié le paysage. Le lieu de culte se retrouve sur une terrasse aménagée et souvent plus élevée que les rues avoisinantes provoquant un ruissellement et des émanations qui éveillent une conscience sanitaire. Ces raisons d’hygiène et d’espace favorisent l’aménagement de nouveaux espaces et le déplacement des sépultures à la périphérie des villages et des villes. Le cimetière  de Saint-Germain est déplacé en 1910 mais plusieurs autres demeurent à proximité immédiate des églises.

Comme ces déménagements nécessitent la participation des paroissiens et des familles, il reste souvent aujourd’hui, autour des églises, un patrimoine archéologique enfoui, invisible en surface parce que de nouveaux parcs ou espaces gazonnés ont été aménagés, qui nous permet de documenter les pratiques religieuses et funéraires des époques passées et de mieux comprendre les valeurs culturelles d’une société. L’archéologie funéraire ouvre une fenêtre supplémentaire sur l’histoire religieuse. L’analyse de l’organisation spatiale des cimetières révèle que différents critères influencent la disposition des sépultures. On note, entre autre, la présence de secteurs réservés aux enfants ou aux membres du clergé. Dans d’autres cas, la disposition des squelettes laisse croire que le fossoyeur faisait face à un manque d’espace. Bien que méconnues, les fouilles archéologiques des cimetières euro-québécois abandonnés ou déménagés permettent donc de nuancer et parfois même de corriger le portrait dressé par les documents historiques (archives paroissiales, correspondance, etc.) et démontrent l’importante complémentarité de l’histoire et de l’archéologie dans la connaissance de notre passé. Ces cimetières, même disparus, font partie de notre patrimoine.

Élaine Bérubé et Jean Thibault

 

Photos : Le cimetière de Saint-Germain, près de l’église, vers 1900 (SHD, Collection Cartes postales; C3-2.3E392)