L’aréna

Sur la première page du journal local, en grosses lettres majuscules, nous apprenons la construction d’un aréna. Quelques hommes d’affaires se réunissent pour doter la ville de cette réalisation tant attendue.

Sous la forme d’une immense grange, avec des loges au deuxième, accessibles par une échelle de bois, elle se remplit régulièrement pour les sports d’hiver. Elle a comme avantage d’éviter le déneigement des patinoires extérieures à chaque tempête de neige et protège des grands vents glacials. Le service d’aiguisage de patins permet d’être au meilleur de sa performance. De plus, un bon « hot dog » en fin de soirée termine bien chaque événement.

À cette époque, le hockey prend de l’expansion. Les petits villages des environs s’organisent des équipes. Des mécènes fournissent aux jeunes des gilets à l’effigie de leur commerce. Bien sûr, le patin est parfois un peu serré ou un peu grand, il faut se contenter de ce que l’on a.

L’assistance s’époumone à crier à l’arbitre « de mettre ses lunettes »! Pour renforcer le confort, une couverture est glissée sous les fesses et les bas tricotés par grand-mère gardent les orteils au chaud.

À force de pratiquer, les talents se développent et les étoiles montent au firmament. Les pères, fiers de leur progéniture, accompagnent leur fiston aux joutes et se gonflent comme des coqs, à chaque but compté. Une belle paire de patins neufs récompense la vedette de la saison. Si content, que le premier soir, il les dépose sur l’oreiller près de lui et il dort avec.

Les rêves s’ébauchent dans les nuages glacés que forme la respiration de la foule. Les gens sont si passionnés qu’ils oublient les quelques sacrifices à faire pour assister à une partie de leur équipe favorite.

Les filles, à leur tour, envahissent la glace, qui luit comme un miroir, striant sa surface de mille arabesques. Peu à peu, elles s’améliorent et sont invitées à des compétitions de patinage artistique. Des vedettes sortent des rangs.

Des combats de lutte viennent remplir les estrades les soirs d’été. Nous voyons défiler les bons comme les mauvais, les géants et les nains, les frères Rougeau et les Leduc. Une bonne journée, mon frère surprend quelqu’un, glissant un morceau de bois sous l’estrade. Jeune intrépide, il se sauve avec. Au moment venu, le lutteur n’a jamais retrouvé cette planche qui devait rendre le combat sanglant. La magie était rompue pour mon frérot.

L’aréna a ouvert la porte à une ère de progrès et de modernisation. Les champions sont montés au sommet par l’ouverture qui leur a été faite par ceux qui leur ont donné confiance.

Liliane Durand Gauthier, Club littéraire Les vieilles plumes

 

VISUELS : On annonce la construction de l’aréna en novembre 1933, dans le journal La Parole. L’aréna, avec une capacité de 2000 places assises, sera construite au bout de la rue Dorion, entre la ligne de chemin de fer et la cour de l’Académie David. (SHD, Collection régionale; IC-2.1F1)