Des grêlons d’une livre et quart s’abattent sur L’Avenir

« 1er août 1889 : Date terrible dans nos annales agricoles.  La journée avait été chaude, le soleil rouge comme un œil de sang, inondait les champs et séchait les derniers foins coupés des [???] de sa lumière torride. Ce calme plat, cette chaleur équatoriale présageaient la tempête, le malheur.  Vers midi, apparut au sommet des montagnes, à l’horizon, un point bleuâtre et sombre comme elles. 

Bientôt ce point noir était une immense colonne sillonnée d’éclairs, et formée de nuages compacts qui s’entrechoquaient, se bouleversaient dans les airs comme poussés par un vent impétueux. Le calme régnait encore sur nos champs, à peine les feuilles des trembles frémissaient comme à l’approche de la tempête.  On entendit d’abord un bruit sourd et lointain, un bourdonnement continu de tonnerre, un grondement d’orage.  La foudre se rapprochait, les éclairs augmentaient et la colonne menaçante s’élargissait au firmament. Tout le monde contemplait cette scène grandiose, le cœur serré.

On vit alors au loin les arbres se tordre violemment, quelques grosses gouttes de pluie commencèrent à tomber sur les toits, un [???] après la tempête rageait dans les vallons de L’Avenir. Le vent, la grêle, la foudre rivalisaient de fureur, partout on entendait le son argentin des vitres cassées.  Ce fut vraiment terrible pendant quelques minutes qui parurent longues comme une journée. 

Quand la tempête se fut éloignée, on put apprécier tous les dégâts qu’elle avait causés.  Sur environ deux milles de largeur, et de l’ouest à l’est de la paroisse, tout avait été détruit.  Les dommages dans la municipalité de L’Avenir seule furent évalués à environ 20 000 $.  Toutes les vitres où passa l’orage furent cassées par la grêle dont on trouva des morceaux pesants plus d’une livre et quart. Pour plusieurs habitants ce fut la misère et presque la ruine.

Un appel fut fait au gouvernement qui envoya un inspecteur, mais pas de secours.  20 000 $ !  Le gouvernement trouva que ses amis de L’Avenir étaient bien exigeants de se plaindre parce que la main de Dieu leur enlevait 20 000 $. Mieux valait se soumettre avec humilité et grande [???] de cœur en méditant sur la fragilité des choses humaines et l’incertitude des secours gouvernementaux! »

C’est au notaire Joseph-Charles Saint-Amant que nous devons cette description de la tempête dévastatrice qui a balayé L’Avenir il y a 122 ans.  Le document manuscrit est conservé au centre d’archives du Séminaire de Nicolet.  Les mots illisibles ont été remplacés par [???].

Alors qu’il étudie à l’université Laval, monsieur Saint-Amant rêve de devenir un journaliste militant.  Il choisit finalement le droit notarial et s’installe à L’Avenir.  En novembre 1884, il fait paraître l’avis suivant :  J.C. St-Amant, notary public, has opened an office in the village of L’Avenir, in the office lately occupied by S. Fraser, notary.  Pratices in English and French.  Ses nombreuses activités professionnelles n’empêchent toutefois pas sa plume de s’exercer pour le plus grand bénéfice de notre histoire régionale.  En effet, dès 1896, il publie L’Avenir et ses environs, ouvrage réédité en 1932 sous le titre d’Un coin des Cantons de l’Est, histoire de l’envahissement pacifique, mais irrésistible d’une race.

Yolande Allard

Photo : Le magasin général situé au cœur du village, vers les années 1910 (Collection Simon Beauregard)