William Mitchell : un pionnier oublié du développement régional

 

Qui se cache derrière la somptueuse demeure sise au 131, rue Saint-Georges à Drummondville? La résidence, d’influence victorienne et italienne, faisant face à la rue Lindsay et faisant la fierté du centre-ville depuis de nombreuses décennies, voit le jour grâce à William Mitchell, homme d’affaires et politicien important, mais souvent oublié, de la région.

Né le 14 mars 1851 dans le Canton de Durham, William Mitchell est le fils de Thomas Mitchell et de Margaret Patrick, tous deux originaires du nord de l’Irlande. Après avoir fréquenté les écoles publiques du canton, le jeune William émigre dans l’État du Maine, chez nos voisins du Sud, où il est engagé au sein d’une compagnie de chemin de fer. De retour dans sa région d’origine, Mitchell est employé quelques temps par une compagnie d’exploitation forestière avant de s’installer à Drummondville où il épouse Dora A. Goddard le 1er novembre 1876. Le couple aura deux fils, Walter George et Alsey.

Au cours des années 1880, William Mitchell s’associe avec Charles Church et Thomas E. Fee, tous deux originaires de la région de Durham Sud, pour se lancer dans le commerce du bois, notamment celui de l’écorce de pruche et du bois de charpente. Les affaires prospèrent à un point tel que les associés, sous la raison sociale Church, Mitchell & Fee, possèdent 40 000 acres de forêts dans la région de Drummondville en 1889. En l’absence de routes leur donnant facilement accès à leurs concessions forestières, les partenaires se tournent vers le chemin de fer et fondent le Drummond County Railway, le 21 juin 1886. La jeune compagnie construit un premier tronçon, passant par ses concessions, entre Drummondville et Nicolet afin d’acheminer le bois jusqu’au fleuve Saint-Laurent, avant d’en aménager un autre jusqu’à Sainte-Rosalie, près de Saint-Hyacinthe. Grâce aux trois acolytes, le passage du chemin de fer contribue, non seulement, au développement florissant de Drummondville, mais également à celui des petites municipalités de Carmel, Blake et Mitchell, près de Notre-Dame-du-Bon-Conseil. Mitchell demeure le gérant général de la compagnie jusqu’en 1899, alors que le gouvernement en fait l’achat. Au fil des ans, le réseau ferroviaire se développe et s’intègre, à terme, au Canadian National Railway en 1919.

Sa demeure étant la proie des flammes le 15 octobre 1893, Mitchell fait ériger, l’année suivante, un nouveau logis sur un terrain acquis de John Johnson, propriétaire du Comfort Cottage, en 1888. Dessinée par les architectes Louis Caron, père et fils, de Nicolet, la maison est parée de briques, tandis que l’intérieur est orné de boiseries d’acajou et de murs tapissés de soie. La propriété, première à être dotée de l’électricité à Drummondville, est également pourvue d’une serre attenante où poussent des plantes rares, d’une grande écurie, d’un immense jardin français bordé de chênes et d’un kiosque abritant une source d’eau. Quelques années après le départ de leurs deux fils, les Mitchell mettent en vente la maison qui est achetée par Joseph-Louis Marchesseault, marchand bien connu de la région, en 1917. La famille demeure propriétaire de la résidence jusqu’en 1978, avant que celle-ci ne soit classée patrimoniale en 1981.

Souhaitant s’impliquer plus amplement sur la scène municipale, William Mitchell propose à la municipalité de Drummondville d’éclairer les rues de la ville. Le conseil municipal accepte l’offre exclusive de l’homme d’affaires le 30 novembre 1895, à condition que celui-ci installe, à ses frais, 50 lumières de 32 chandelles qui éclaireront les rues choisies de la brunante jusqu’à l’aube. Pour se faire, la municipalité s’engage à lui verser la somme de 500$, annuellement, pendant dix ans. Un sous-amendement prévoit toutefois l’imposition d’une pénalité de 1,32$ pour chaque jour où Mitchell ne fournirait pas la lumière prévue.

Édile depuis janvier 1896, l’homme d’affaires se lance dans la course à la mairie lors des élections de septembre 1897, en vue de remplacer Henri Vassal, maire depuis quelques mois seulement, mais ayant décidé de se retirer. Élu par acclamation, Mitchell occupe la fonction de premier magistrat jusqu’en 1902. Après le court règne de Joseph A. Bousquet, Mitchell, demeuré conseiller, revient à titre de maire, pour quelques mois seulement, entre février et octobre 1903, moment où il donne sa démission. Alors que les rumeurs courent depuis quelque temps déjà, Mitchell est nommé sénateur du Canada par Wilfrid Laurier le 5 mars 1904 et y siège à titre de Libéral pour représenter la division de Wellington.

Toujours en fonction au Sénat, William Mitchell décède, à l’âge de 75 ans, le 10 mai 1926, à Montréal, des suites d’une longue maladie. Pionnier du développement de l’industrie du bois et des chemins de fer dans la région de Drummondville, il a également été président de Drummond Bridge Company, directeur de Richmond, Drummond, Yamaska Fire Insurance Company et président de la Commission des écoles protestantes de Drummondville.

Gabriel Cormier

 

Visuel : William Mitchell, sénateur, 1906.

Source : The Canadian Parliament : Biographical sketches and photo-engravures of the senators and members of the house of commons of Canada. Montréal, Perrault Print. Co., 1906, p. 109.