Roméo Bolduc : le tueur de Saint-Guillaume

 

Route menant à Saint-Guillaume, le 25 août 1917. Le vendeur d’automobiles Zotique Bourdon, de Longueuil, roule à bord d’une Overland cinq places en compagnie de Roméo Bolduc, un client à qui il a vendu une voiture la veille et qu’il doit reconduire chez lui pour conclure la transaction. Une vente comme les autres a priori, mais en chemin, Bolduc sort un pistolet de calibre .38 et abat Bourdon de trois balles à bout portant.

Le motif du crime semble être l’appât du gain : l’automobile et les quelques billets que la victime avait sur elle au moment du drame. La petite municipalité du comté de Drummond est sous le choc. Le procès du « tueur de Saint-Guillaume » fait couler beaucoup d’encre, notamment parce que Bolduc est reconnu coupable de meurtre prémédité, mais surtout parce qu’il est condamné à être pendu haut et court quelques mois plus tard.

Une copie du compte-rendu du procès de Bolduc, tenu devant jurés entre le 22 et le 24 janvier 1918, est conservée dans le dépôt d’archives de la Société d’histoire de Drummond. Il rappelle les faits qui précèdent, accompagnent et suivent le meurtre de Bourdon. En voici un résumé.

La veille de l’homicide, Bolduc se trouve à Longueuil. Il erre sur un quai à bateaux interrogeant ici et là les passants à savoir où il pourrait se procurer une automobile. Le jeune homme de vingt-quatre ans se présente alors sous le pseudonyme de Roméo Paradis. On le réfère au concessionnaire Bourdon avec qui il prend aussitôt rendez-vous.

L’entrevue est de courte durée et Bourdon propose une Overland à Bolduc, alias Paradis, qui s’engage à l’acheter et à la payer par chèque, une fois de retour chez lui. Le contrat est signé le soir même. Le vendeur, satisfait, invite l’acheteur à prendre le repas chez lui et à y passer la nuit, le temps de préparer la voiture. Bolduc accepte et les deux hommes quittent Longueuil en direction de Saint-Guillaume le lendemain matin. En route, Bolduc assassine Bourdon et s’enfuit à bord de la voiture.

L’enquête révèle qu’après le meurtre, Bolduc s’arrête à l’église, rue Principale à Saint-Guillaume, et assiste à la messe comme si de rien n’était. Mais, durant le sermon, la Overland volée est aperçue, maculée de sang, à proximité du lieu de culte. Les policiers, aussitôt contactés, débarquent en trombes et procèdent au garde à vue de Bolduc sur-le-champ. Le corps de la victime est retrouvé peu après dans un bosquet à proximité du village. Les preuves amassées sur les lieux du crime sont suffisantes pour accuser le suspect de meurtre prémédité.

Le procès se déroule au début de l’année suivante. Bolduc est reconnu coupable et est condamné à la pendaison. L’exécution a lieu à la prison commune de Sorel, le 5 avril suivant. Cette journée-là, trois minutes avant huit heures, Bolduc marche vers le couloir de la mort, accompagné de l’abbé Lafontaine et des autres membres du cortège funèbre. Arrivé à l’échafaud, le condamné y monte d’un pas ferme et se place sur la trappe devant le propulser dans l’éternité. Le bourreau lui rabat un voile noir sur la tête et lui passe la corde au cou. L’exécuteur fait ensuite jouer un ressort et la trappe s’ouvre immédiatement, laissant le tueur de Saint-Guillaume tomber dans le vide. La mort est instantanée. Le médecin de la prison constate son décès et met ainsi fin à l’un des plus dramatiques épisodes de notre histoire régionale.

Martin Bergevin

Visuel : Église de Saint-Guillaume, où Roméo Bolduc a été arrêté pour le meurtre de Zotique Bourdon.

Source : Société d’histoire de Drummond, Fonds René Desrosiers ; P2-1.1-19B