Les pionniers de Saint-Germain

Le township de Grantham, créé le 14 mai 1800, dans lequel est formé Saint-Germain, a été ouvert au peuplement avec l’instauration, le 7 février 1792, de la tenure «en franc et commun soccage», dans les Cantons de l’Est. Les townships, dont les noms sont calqués sur ceux existants en Angleterre, ont une superficie de 100 milles carrés. Avant et après sa formation en 1800, le township de Grantham a été arpenté à plusieurs reprises: par R. Jones en 1793, Joseph Rankin en 1796, John Sullivan, Benjamin L’Écuyer et William Sax en 1815, et par l’arpenteur général Joseph Bouchette deux ans plus tard.

Le fonctionnaire et marchand de Québec William Grant est le premier à obtenir des terres dans Grantham le 14 mai 1800, avec  un  octroi  de  27 200 acres. Avec une trentaine d’associés, il serait propriétaire de la moitié du township, c’est-à-dire de 129 lots, pour un total de 36 400 acres. Mais ni lui ni son gendre John Richardson, qui en hérita à sa mort en 1805, n’ont véritablement occupé les lieux.

C’est grâce au lieutenant-colonel Heriot, qui a acquis une partie des lots de Richardson, que le township de Grantham est vraiment rendu disponible au peuplement. En 1815-16, Heriot fait ériger un moulin de onze scies à l’embouchure des rivières Noire (ou Saint-Germain) et Saint-François. À Saint-Germain, on retrouve parmi les pionniers, d’abord d’anciens militaires du régiment suisse de Meuron tels Jean-Thomas (John) Niderer, Antoine Roussie, Francis Sabolle, Jean-Jacob Herman, Joseph Guenon, André Suzo (ou Sousseau), des Voltigeurs (André Provost) ou du 27th Regiment of Foot britannique (Patrick Travers ou Traversie). Suivent des francophones originaires surtout de Yamaska, qui vont bientôt s’imposer comme majorité: les David Corriveau, Alexandre Lespérance, Antoine Caya, Guimond, Benneville, Clair, Pinard, Janelle, Cotard, Dubois et Gauthier, sont de ceux-là. L’ironie du sort veut toutefois que ce soient ces derniers qui aient aidé les premiers, plutôt novices en matière d’agriculture, à s’établir…

D’abord surnommé Headville, en hommage au gouverneur Sir Edmund Head, le village prend progressivement le nom de Saint-Germain avec la minorisation des anciens éléments anglophones. Le nom de Headville apparaît pour une des dernières fois sur le recensement de 1861. Comme pour confirmer cette évolution, le bureau de poste adopte officiellement le nom de Saint-Germain avec l’entrée en vigueur de la Confédération le 1er juillet 1867. Le nom de Headville est alors tombé dans l’oubli.

Jean-Pierre Bélanger

PHOTO : Pêcheurs de Saint-Germain en 1917 (Coll. SHD, IC-5.2a/2)