Les corsets de la Canadian H. W. Gossard (1919-1926)

 

Drummondville, novembre 1919. L’administration municipale, menée par le maire J.-Ovila Montplaisir, vient de conclure une série d’ententes assurant l’établissement des deux premières industries du textile à Drummondville, soit la Butterfly Hosiery, qui fera l’objet d’un prochain article, et la Canadian H. W. Gossard, une entreprise torontoise spécialisée dans la fabrication de soutiens-gorges et de corsets haut de gamme.

L’événement est historique et les impacts quasi immédiats, puisque le succès de ces usines semble être le point de départ et la condition primordiale de l’agglomération de manufactures qui choisissent successivement Drummondville par la suite comme lieu de leurs opérations.

L’implantation de la Canadian H. W. Gossard se fait en deux temps. D’abord prudentes sur ses intentions, les autorités de la compagnie souhaitent expérimenter les conditions locales, notamment du point de vue de la main-d’œuvre, avant de s’installer de manière permanente à Drummondville. Ainsi, dès novembre 1919, la corsetière loue pour quelques mois les anciens locaux de la Drummond Shirt (1915-1918), rue Saint-Jean, et débute presque aussitôt sa production.

Dès ses premiers mois d’activités, la manufacture embauche plus de 150 personnes, pour la plupart des jeunes femmes, œuvrant à la confection des soutiens-gorges et des corsets. À son apogée, l’usine donne du travail à plus de 300 personnes. Les affaires tournent rondement, le travail accompli est satisfaisant et les hauts dirigeants se voient rapidement rassurés. L’exemption de taxes, d’une durée de quinze ans, accordée par la Ville, achève sans doute de les convaincre de rester. La Gossard, comme les contemporains se plaisent à l’appeler, achète finalement en avril 1920 l’ancienne manufacture de chemises et l’opère durant quelques années. L’usine couvre alors 2000 mètres carrés sur la partie de terrain située entre les rues Saint-Jean, Brouillard, Saint-Édouard et des Écoles.

La direction de la Canadian H. W. Gossard se dote dès son arrivée en ville d’une réputation enviable. Les conditions de travail, dit-on, y sont remarquables : outre le fait d’y être bien payés ; le café, le sucre, le lait et le thé sont fournis aux employés tout à fait gratuitement durant les pauses ; une surface glacée est entretenue à proximité de l’usine durant l’hiver ; et des leçons de français et d’anglais sont dispensées gracieusement aux ouvriers qui le désirent, ce qui favorise les échanges et un esprit de camaraderie au sein du personnel.

Néanmoins, la Canadian H. W. Gossard cesse subitement ses activités à Drummondville, en 1926, et transfère toute sa machinerie à Toronto, où elle possède toujours d’autres usines du même genre. Le bâtiment est par la suite occupé par la Dominion Hosiery (1929-1930), propriété de Francis Calvin Christman, de Drummondville, puis par la compagnie américaine Eagle Pencil (1931-1967). Depuis 2012, la rue des Corsetières rappelle l’importance de la Canadian H. W. Gossard dans l’histoire de Drummondville.

 

Visuel : Vue intérieure de la corsetière Canadian H. W. Gossard, Drummondville, vers 1920.

Source : Société d’histoire de Drummond, Fonds Abbé Jean-Noël Laplante ; P78, S2, D4, P1