Les bas de soie de la Butterfly Hosiery (1919-1963)

 

Durant les années 1920, le textile devient le symbole du développement économique et industriel de Drummondville. On assiste alors à l’implantation des plus grands complexes manufacturiers de notre histoire régionale, notamment avec l’établissement de la Butterfly Hosiery, en 1919, une entreprise à capitaux américains spécialisée dans la confection de bas de soie haut de gamme.

En effet, le boom économique occasionné par la Grande Guerre (1914-1918) offre une pléiade d’opportunités d’affaires aux industriels américains richissimes qui souhaitent investir chez nous. Ainsi, nos édiles municipaux, avec à leur tête le maire J.-Ovila Montplaisir, s’évertuent à vaincre la concurrence des grandes villes canadiennes en offrant à ces messieurs aux chapeaux haut de forme et aux souliers neufs toutes sortes d’avantages fiscaux. Dans le cas de la Butterfly Hosiery, la Ville de Drummondville lui accorde une généreuse exemption de taxes d’une durée de vingt ans.

Au moment de la grande séduction, la Butterfly Hosiery est la plus grande entreprise manufacturière de bas au monde : elle possède une trentaine de moulins en marche aux États-Unis ; produit chaque jour plus de 30 000 paires de bas et son chiffre d’affaires s’élève à 25 millions de dollars annuellement. Inutile de mentionner que d’attirer une telle entreprise à Drummondville représente l’une des grandes réussites de l’administration Montplaisir.

Les investisseurs américains achètent donc, au cœur de la ville, une parcelle de terre de deux arpents, occupée jadis par les Forges McDougall, et y font construire dès novembre 1919 une vaste manufacture moderne de deux étages, entièrement éclairée, ainsi qu’une teinturerie et une chaufferie. Par la suite, une série d’agrandissements effectués entre 1921 et 1929 et nécessités par la forte croissance de l’entreprise, quadruple la superficie initiale de la fabrique de bas et lui donne son allure imposante actuelle. À compter de 1929, la Butterfly Hosiery n’effectue plus de travaux d’expansion, mais modernise sa machinerie afin de la rendre de plus en plus automatisée.

Au gré des agrandissements, le personnel de l’usine passe de 50 à 450 ouvriers, entre 1919 et 1948. Au départ, la Butterfly Hosiery produit des bas circulaires simples, sans couture, puis elle se lance, dès 1931, dans la fabrication de bas plus distingués et entièrement façonnés, les « Full-Fashioned », si bien que la manufacture drummondvilloise exporte bientôt ses produits aux quatre coins du monde. Rien d’étonnant, dit-on, car « on ne fabrique nulle part de meilleurs bas de soie ».

Durant les décennies 1950-1960, la prédominance de l’industrie du textile à Drummondville, qui représente encore 70% des emplois manufacturiers, conjuguée à la forte concurrence des produits importés dans ce secteur, provoque de grands bouleversements économiques et industriels. Ainsi, de moins en moins rentable pour ses actionnaires, la Butterfly Hosiery ferme définitivement ses portes en 1963. Aujourd’hui, une partie des locaux de l’usine est occupée par le Salon de Billard Heriot.