Le sacrifice ultime du soldat Antaya

Avant la Deuxième Guerre mondiale, il y eut la première, que les contemporains qualifièrent de Grande Guerre vu son ampleur, sa durée et son intensité. La Première Guerre mondiale impliqua en effet plus de soldats, occasionna plus de pertes et mobilisa plus de ressources que tout autre conflit armé survenu jusque-là. Chaque année depuis la fin du conflit, nous célébrons l’armistice du 11 novembre 1918 en portant le coquelicot rouge et en nous rappelant la mémoire de nos soldats disparus.

Au total, plus de quatre cent mille soldats canadiens, incluant les volontaires et les conscrits, participèrent au grand conflit mondial de 1914-1918. Parmi ces braves, quelques-uns sont originaires de Drummondville ou des municipalités environnantes. Les recherches actuelles permettent d’en identifier plus d’une centaine. Théophile Jr. Antaya est l’un de ceux-là. Comme tous les autres, il laissa derrière lui sa famille et son confort pour se rendre au front. Il subit les bombardements, les attaques au gaz, la peur, la faim et les désagréments de la vie dans les tranchées. Comme tous les autres, il pria pour une guerre courte et un retour rapide à la maison, mais le conflit dura finalement cinq ans et trois mois. Le soldat Antaya passa près de deux ans au front et ne revint jamais au pays…

Fils du cordonnier Théophile Antaya et de Marie-Éveline Auger, Théophile Antaya, deuxième du nom, vit le jour dans la petite municipalité de Ashland, au Massachusetts, le 28 mai 1895. Ses parents s’étaient mariés à Saint-Eugène-de-Grantham, le 17 juillet 1893, tout juste avant de quitter pour les États-Unis – pour le travail – à l’instar de bien d’autres familles de la région. L’exil des Antaya prit fin en 1901, alors qu’ils revinrent vivre à Saint-Eugène. Théophile s’enrôla dans l’armée, le 25 septembre 1914 ; il était alors âgé de 20 ans, était célibataire sans enfant et gagnait sa vie comme mineur. Volontaire des premiers instants, il rejoignit le 84e Régiment de Saint-Hyacinthe et effectua son entraînement militaire avant de se rendre en Europe. On lui attribua alors le numéro matricule 33555.

Le soldat Antaya débarqua en France au mois de juillet 1915. Il fut aussitôt affecté à la 3e Unité ambulancière de campagne du Corps expéditionnaire canadien (CEC) et servit ensuite au front à titre de brancardier. Agissant comme secouriste plutôt que comme combattant, il dut circuler sans arme sur les champs de bataille – et au péril de sa vie – pour évacuer ses camarades blessés. Il dut se déplacer, la plupart du temps la nuit, dans la boue des tranchées et les crevasses du no man’s land pour secourir ses compagnons mal en point. L’évacuation des corps se faisait lentement et avec difficulté ; le transport des blessés se réalisant fréquemment à l’aide de simples toiles de tentes, faute de disposer d’un nombre suffisant de brouettes et de brancards. Pendant que l’infanterie et l’artillerie bataillaient contre les soldats allemands, lui, combattait la maladie, les blessures et la mort, se prêtant à espérer qu’elles épargnent ses compatriotes canadiens. Désarmé devant l’ennemi, Théophile n’arborait pour seule défense durant ses opérations de sauvetage qu’un banal brassard orné d’une croix médicale, une protection bien inutile contre l’insistance des cartouches de pistolets et des pluies de fragments d’obus qui eurent finalement raison de lui au printemps 1917.

Théophile Jr. Antaya s’éteignit à la Station canadienne no.1 d’évacuation des blessés, en France, le 4 mai 1917, au lendemain d’un bombardement aérien allemand qui lui fut fatal. Il n’avait que 21 ans. Les circonstances de son décès sont d’autant plus tragiques que le jeune homme dormait dans son bivouac au camp de son unité au moment de l’attaque. L’avion boche volant à très basse altitude au moment de larguer ses bombes ne laissa aucune chance au soldat endormi : un fragment d’obus pénétra dans son dos le blessant ainsi mortellement. Son corps fut inhumé dans le cimetière d’Aubigny, dans La Somme, en France.

À Drummondville, les noms des soldats de la région qui sont morts en service actif lors de la Grande Guerre sont gravés sur le cénotaphe de la Place Saint-Frédéric. Celui de Théophile Antaya n’y apparaît pas encore, mais il est prévu de l’inscrire ultérieurement aux côtés de ceux des soldats Mitchell, Montgomery, Pelletier, Trent et Watkins, également décédés durant le conflit de 1914-1918. Nous nous souviendrons d’eux et de tous les autres aussi.

 

Visuel : Portrait du soldat Théophile Antaya. Artiste inconnu. Œuvre non datée.

Source : Société d’histoire de Drummond, Fonds Yves Beauregard ; P1-8.3G1.