Le paysage enchanteur du campus universitaire de Drummondville

 

Situé au cœur d’un paysage enchanteur, sur la rive nord de la rivière Saint-François, le campus universitaire de Drummondville est aménagé sur l’ancien domaine de la famille Sheppard, un site historique au passé méconnu dont l’occupation remonte au milieu du dix-neuvième siècle.

William Sheppard, marchand d’origine anglaise et homme politique canadien, est le premier à s’y établir avec son épouse, Harriett Campbell, en 1848. Le couple habitait auparavant Sillery, où William avait fait fortune dans le commerce du bois et la construction de navires, et vivait dans une luxueuse villa entourée de cent arpents de bois, surnommée à juste titre Woodfield, qu’il avait dû vendre en raison de soucis financiers, peu avant de quitter la ville.

Les Sheppard s’installent donc dans le canton de Wendover, aux abords de la rivière, non loin de la famille Trent. Passionnés par les fleurs, les plantes et l’horticulture, ces derniers font construire sur leur nouveau domaine une imposante villa en pierre de deux étages qu’ils baptisent avec une touche de poésie « Fairymead », qui signifie « breuvage féérique » ou « hydromel de fée ». La nouvelle propriété de William et Harriett n’a certes pas l’allure de Woodfield, avec sa galerie de peintures, son musée et ses volières, mais elle est tout de même à l’époque l’une des maisons les plus éblouissantes de la colonie.

À l’intérieur, se trouvent un grand salon orné d’un piano et d’une bibliothèque, un parloir où discuter d’arts et de sciences, une cuisine et une salle à manger où recevoir les convives, une chambre pour monsieur, une autre pour madame, selon les bonnes mœurs de l’époque, et trois autres pièces destinées à loger les invités, notamment la fille du couple, Charlotte, et son époux, l’illustre Robert Nugent Watts.

À l’extérieur, le décor est princier. En plus du boisé épais, un magnifique jardin ceinture la somptueuse résidence. Une serre chaude attenante abrite quantité de fleurs exotiques et les dépendances, érigées à proximité de la demeure, dénombrent un cheptel d’une cinquantaine de bestiaux. Ainsi, chevaux, vaches, porcs, moutons, poules et dindes arpentent les plates-bandes et les massifs fleuris des alentours et jouissent de toute la liberté que peut offrir le vaste pâturage s’étendant sur plus de dix-sept acres.

William Sheppard passe les vingt dernières années de sa vie dans ce havre de paix aux côtés de sa châtelaine, à lire, à faire pousser des légumes et à s’occuper du bétail. La villégiature occupe aussi à cette époque une grande partie de son existence, tout comme la littérature d’ailleurs, du moins jusqu’à ce que la maladie l’emporte subitement, dans la nuit du 1er juillet 1867.

Après son décès, le richissime John Valentine Cooke, premier du nom, se porte acquéreur du domaine Sheppard et habite à son tour la charmante villa en pierre, qui sera dès lors connue sous l’appellation « château Cooke », un vocable qui évoque avec éloquence toute la splendeur de la maison, mais également le statut social enviable de son nouvel occupant.

Bénéficiant d’une grande notoriété, en raison de ses moulins à scie, mais surtout en regard des emplois qu’il pouvait offrir aux hommes de la colonie, les affaires de Cooke se portent à merveille lorsqu’il achète sa nouvelle propriété. Toutefois, le marché du bois étant ce qu’il est à l’époque, la bonne fortune du commerçant s’arrête brusquement en 1876 et il doit se résoudre à la faillite. Peu après, le lot sur lequel trône son château est mis aux enchères et est acheté par la famille Watts, qui selon les sources disponibles ne s’y est jamais installée véritablement, sinon pour de courtes vacances.

Ainsi, durant les décennies suivantes, le domaine est peu à peu abandonné, puis au début des années 1900, la maison et les bâtiments secondaires qui s’y trouvent sont la proie des flammes. Le feu ne laisse dans sa colère que des vestiges méconnaissables. Un incendie parmi tant d’autres pour les contemporains, sans doute, mais pour les historiens d’aujourd’hui, il s’agit d’un autre épisode dramatique de notre passé durant lequel un pan de notre mémoire collective est parti en fumée.

Enfin, près des ruines du château, un demi-siècle plus tard, la congrégation des Pères Montfortains fait construire une maison de retraites fermées dédiée à Marie-Reine-des-Cœurs et y accueille à compter de mars 1952 des dizaines de milliers de retraitants. La suite est assez connue. En 2014, la communauté religieuse ne pouvant plus assurer la continuité de l’œuvre vend le terrain à la Ville de Drummondville qui l’achète en vue d’y aménager le campus universitaire, inauguré à peine deux ans plus tard.

Martin Bergevin

Visuel : La villa Fairymead, aussi appelée château Cooke, vers 1890.

Source : SHD, Fonds Maurice Milot ; P6-2.5B2