
21 Juin Georges Melançon : évêque malgré lui
Lundi soir 4 mars 1940. Une importante foule s’est rassemblée sur le quai de la gare de Drummondville. Toutes les organisations catholiques sont représentées : des Chevaliers de Colomb en costume d’apparat aux zouaves en passant par les Filles d’Isabelle. Ces gens sont venus souhaiter la bienvenue à Mgr Ildebrando Antoniutti, le délégué apostolique du pape Pie XII pour le Canada.
Antoniutti est accompagné de l’évêque de Nicolet, Mgr Albini Lafortune. À leur descente du train, les éminents visiteurs sont accueillis par le chanoine Georges Melançon, curé de la paroisse Saint-Frédéric et par le maire Arthur Rajotte. Par la suite la foule les escorte jusqu’au presbytère où ils vont loger.
On explique à la population que le délégué apostolique est en visite de courtoisie à Drummondville et que c’est tout un honneur pour la ville qui pavoise pour l’occasion. En réalité, le but de la visite d’Antoniutti est tout autre et il n’est pas dévoilé au public : le délégué apostolique est venu transmettre à Georges Melançon une demande formulée par le pape lui-même, celle de devenir évêque du diocèse de Chicoutimi.
Melançon est ébranlé par cette demande. Il ne s’attendait pas à cela. On ne connaît pas les raisons exactes qui ont présidé à son choix, mais dans les faits, Melançon dirige la plus grosse paroisse du diocèse de Nicolet. Depuis qu’il est en poste, soit il y a 20 ans, Saint-Frédéric a été emportée par la croissance économique de Drummondville. En 1936, au moment où elle compte 15 000 paroissiens, Saint-Frédéric est scindée pour donner naissance aux paroisses de Saint-Simon et Saint-Joseph qui seront suivies par Sainte-Thérèse en 1937. Les talents d’administrateur de Melançon et le grand respect des paroissiens à son égard n’ont sûrement pas échappé à l’épiscopat québécois.
Mais, étonnamment, Melançon refuse l’offre qui lui est transmise. Pour lui, le prestige conféré par une charge d’évêque ne justifie pas de quitter la paroisse qu’il aime et qu’il a vu grandir. Antoniutti repart bredouille et fait part au pape de la décision du curé de Saint-Frédéric.
Pie XII lui-même est sans doute surpris de la réaction de Melançon. Ce n’est sûrement pas tous les jours qu’on refuse un tel honneur. En fait, le Saint-Siège croit tellement en Georges Melançon qu’il transforme son offre en ordre. Cette fois-ci Melançon ne peut se désister et doit se soumettre à l’autorité papale.
La nomination du nouvel évêque de Chicoutimi est officiellement annoncée par Antoniutti le 23 mai 1940. La veille de son départ, le dimanche 30 juin 1940, ses paroissiens se réunissent au parc Saint-Frédéric pour une soirée d’adieu. Le lendemain Georges Melançon quitte Drummondville à 13 h 30 acclamé par une foule nombreuse. Il sera sacré évêque à la cathédrale de Chicoutimi le 23 juillet 1940.
Robert Paré
Visuel : Georges Melançon, curé de la paroisse Saint-Frédéric de Drummondville de 1922 à 1940.
Source : Société d’histoire de Drummond, Collection régionale ; IC-8.1A196