De la visite rare à Drummondville pour l’inauguration de la Canadian Celanese

 

Drummondville, le 13 septembre 1927. Un air de fête règne dans les rues de notre ville et nombre de maisons, d’établissements de commerce et de manufactures sont décorés en vue de l’arrivée imminente du premier ministre du Québec Louis-Alexandre Taschereau. Le but principal de la visite de ce dernier vise à découvrir la ville et ses industries afin d’en évaluer ses perspectives d’avenir.

Le convoi transportant notre distingué visiteur entre en gare par les rails du Canadien National à 14h00 et est reçu par une foule considérable d’admirateurs et de curieux. L’accueil est triomphal, mais de courte durée, puisque le programme de la journée est riche et chargé. Ainsi, à la suite d’une brève causerie avec le curé Georges Melançon, le premier ministre Taschereau quitte la gare aux côtés du maire Walter Moisan. Le premier magistrat de notre ville guide d’abord son invité jusqu’aux centrales hydroélectriques de la Southern Canada Power pour que ce dernier puisse constater de visu la puissance des principaux moteurs du développement industriel de Drummondville.

Le plus haut fonctionnaire de la province est ensuite amené à visiter les usines de la Fonderie Gosselin (outillage pour l’industrie laitière), de la Macdonald Wire Goods (fil de fer),  de la Butterfly Hosiery (bas de soie), de la Dominion Silk Dyeing and Finishing (teinturerie), de la Louis Roessel (tissus de soie naturelle) et de la Jenckes Canadian (tissus, cordes et filets de coton) avant de se rendre à la Canadian Celanese (fibres et tissus synthétiques) pour assister à l’inauguration officielle du nouveau et très prometteur complexe industriel.

À son arrivée, les tambours et les trompettes de l’Harmonie de Drummondville sortent de leur mutisme et la rythmique qu’ils imposent invite les spectateurs à prendre place. Juché sur une estrade de fortune dressée expressément pour l’occasion, le propriétaire du complexe, le docteur Camille Dreyfus, remercie le premier ministre de sa présence avant d’adresser quelques mots à la foule. Son tour venu, monsieur Taschereau se lance quant à lui dans un long soliloque parsemé d’éloges, de fierté et entrecoupé de quelques salves d’applaudissements bien sentis : « C’est grâce à l’énergie indomptable, au travail et au remarquable esprit d’initiative de ses citoyens que Drummondville est devenue un centre industriel dont le Québec et le Canada tout entier ont raison d’être fiers […] Vous marchez courageusement de l’avant et vous montrez à tous ceux qui surveillent nos activités que le Québec est capable de progresser et de grandir ».

Une fois son discours achevé, on l’invite à presser le bouton de mise en marche d’une centaine de métiers à tisser, ce qu’il s’efforce de faire dans une symbolique tout aussi solennelle qu’enthousiaste. Aussitôt le bouton pressé, les navettes virevoltent en un mouvement de va-et-vient perpétuel. Le maire Moisan et les principaux officiers de la Celanese poussent un soupir de soulagement. Ça fonctionne ! Les cliquetis de ces machines et ceux de dizaines d’autres par la suite accompagnent des milliers d’hommes et de femmes dans la confection de tissus de toutes sortes. À la sueur de leur front, de jour comme de nuit, et durant de nombreuses années, ces derniers participent par leur dur labeur au développement industriel et économique de la région. L’histoire de l’usine et de ses travailleurs est conservée soigneusement à la SHD depuis la fermeture du complexe, en 2000. Le fonds d’archives est disponible à la consultation et est accessible à tous.