Coups sûrs et fausses balles : l’histoire du baseball à Drummondville

Durant la première moitié du vingtième siècle, le baseball gagne en popularité et s’organise un peu partout au Québec. Les stades et les parcs de balle envahissent les quartiers ouvriers, les équipes se forment dans les usines, les ligues industrielles se multiplient et les joutes à ciel ouvert attirent des foules de plus en plus partisanes. Les enfants imitent les adultes et les municipalités prennent graduellement en charge la construction et l’aménagement des infrastructures sportives publiques afin de répondre aux nouvelles aspirations de la population.

À Drummondville, selon les sources documentaires disponibles, le sport national des Américains fait de nombreux adeptes dès le début des années 1900. Dans un numéro du journal La Justice, publié en 1905, il est d’ailleurs noté que « de tous les sports en honneur ici, le baseball est sans contredit celui qui capte le plus l’attention du grand public ». La cité est alors représentée par le Royal et les joueurs sont motivés par le simple plaisir de jouer, sans rémunération, et s’acquittent même de leurs dépenses.

À l’époque, la ville ne dispose pas de plateaux sportifs nécessaires pour accueillir les parties d’exhibition officielles. Les premiers clubs doivent donc se déplacer de municipalité en municipalité à bord de chariots à foin tirés par des chevaux pour disputer les matchs du dimanche contre leurs rivaux de Richmond, Victoriaville, Acton Vale, Saint-Hyacinthe, Sorel et Nicolet. Le départ se tient généralement le samedi soir, après la semaine de travail, et le retour à la maison est rarement possible avant le dimanche soir, soit quelques heures à peine avant de reprendre le boulot et le train-train quotidien.

Au cours des années 1920, de nouvelles entreprises à capitaux américains s’établissent en ville. Les gérants de ces usines arrivent ici avec leur argent et leurs ambitions pécuniaires, bien sûr, mais aussi avec la volonté de partager leur culture et leur passion pour le baseball. En plus d’offrir un gagne-pain à la vaste majorité des ménages drummondvillois, ils investissent dans les installations récréatives et participent à la démocratisation de la pratique du sport dans la région. Ainsi, au mythique terrain de balle de la rue Saint-Édouard s’ajoutent notamment ceux de la Celanese, de la Cotton et de la Roessel.

Durant les décennies 1930-1940, les porte-étendards de Drummondville démontrent leur savoir-faire dans la Ligue du Richelieu, la Ligue Saint-François et la Ligue Laurentienne, s’alignant entre autres avec les Forestiers catholiques. Les matchs locaux se tiennent principalement aux losanges de la rue Dorion et du parc Saint-Joseph et débutent toujours tôt puisqu’à cette époque les surfaces de gazon et de sable du coin ne bénéficient pas encore de système d’éclairage moderne. Le soleil agit alors comme arbitre en chef et commande le nombre de manches à jouer.

Au tournant des années 1950, le baseball continue de jouir d’une grande popularité. Les journalistes suivent les joutes avec zèle et diffusent les résultats dans les colonnes sportives de La Parole et The Spokesman. L’enthousiasme collectif est en grande partie dû aux récents succès des Cubs de 1949, devenus légendaires. Menée par les joueurs vedettes Sal Maglie, Victor Pellot et l’ancien lanceur des Reds, Félicien Bourbeau, l’équipe couronne la saison régulière de la Ligue Provinciale avec 63 victoires en 97 départs et remporte le championnat des séries en disposant des Black Sox de Farnham.

Disputant d’abord leurs parties au terrain du boulevard Bernard, les Cubs inaugurent le Stade municipal de la rue Cockburn en 1950 et y poursuivent leurs activités jusqu’en 1952. Ils laissent ensuite place à une succession d’équipes, dont les Athlétiques, les Royaux et le Royal, qui foulent tour à tour le terrain de la cité entre 1954 et 1979. Durant ces 28 saisons, nos porte-couleurs offrent un spectacle de haut calibre et permettent au baseball de demeurer le roi incontestable de l’été dans notre ville.

Aujourd’hui, l’histoire de la balle à Drummondville continue de s’écrire au présent grâce à la nouvelle mouture du Brock qui évoluera à compter de cette année dans la Ligue de baseball majeur du Québec. Les matchs locaux se disputeront au Stade municipal de la rue Marchand, inauguré en 1980 et renommé en 1993 en hommage au Grand du sport Jacques Desautels.

Martin Bergevin

Visuel : Stade de baseball municipal, rue Cockburn, Drummondville, 1970.

Source : SHD, Fonds Grands du sport ; P191-003