Coudre et en découdre : une histoire des ligues industrielles sportives

L’arrivée de nombreuses entreprises américaines et d’une masse considérable d’ouvriers durant la première moitié du XXe siècle à Drummondville provoque de nouvelles pratiques dans les manufactures locales, notamment au niveau des loisirs, et permet alors l’instauration de ligues sportives industrielles.

La promotion de l’esprit d’équipe, de la compétitivité, de la concurrence, du don de soi et du leadership est le leitmotiv des entrepreneurs qui souhaitent transmettre la fougue des sports d’équipes sur les lignes de production. Les usines commencent à former des ligues sportives à l’interne, opposant leurs divers départements, pour ensuite se livrer bataille entre elles sur les terrains de jeux de la ville au sein de la Drummondville Industrial League, qui débute dès 1925. L’importance du sport dans le monde industriel se reflète également par l’investissement de certaines usines dans des infrastructures sportives sur leur propre propriété. Ce fut le cas notamment de la Celanese, qui fit bâtir un terrain de baseball, une patinoire, des allées de curling et même, durant une certaine période, une plage réservée aux employés de l’usine et leur famille.

Les tournois des lignes industrielles sont un moyen pour les différentes compagnies de se démarquer et de faire bonne figure dans la communauté. C’est l’une des meilleures publicités qui soient à l’époque. C’est pourquoi il est important pour plusieurs entreprises de recruter les meilleurs joueurs à tout prix. Plusieurs sportifs se voient ainsi offrir de bons emplois en échange d’intégrer une équipe de la ligue. Au cours de la saison de hockey 1942-1943, la Celanese fut même accusée de voler tous les meilleurs joueurs des autres usines en leur offrant un emploi chez elle avec de meilleurs salaires et de bonnes conditions de travail. Malgré tout, la Celanese n’accède pas à la finale de hockey qui opposera la Dominion Silk et la Butterfly, alors munies de joueurs tels que Lucien « Ti-Lou » Lauzier » et Lou Poliquin.

À noter que cette union entre le sport et le travail demeure pour le meilleur et pour le pire. Nous pouvons le constater, par exemple, lors de la grève de 1947 à la Drummondville Cotton, qui eut pour conséquence de retirer l’équipe DRUMCO du circuit de la Ligue de la Cité. D’autre part, il est intéressant de souligner que l’intégration des femmes sur le marché du travail et les prémisses de l’amélioration des conditions féminines au Québec permettent l’instauration de ligues industrielles sportives destinées aux femmes à Drummondville dès 1951.

On peut donc dire que les ligues industrielles sportives furent un élément clé du développement des sports à Drummondville. C’est un point de départ qui donne l’élan à de grands moments, à de grandes équipes sportives et à de grandes opportunités pour plusieurs travailleurs et travailleuses. La popularité de ces ligues se confirme d’ailleurs par certaines initiatives de la ville, telle que l’ouverture d’un premier aréna en 1933.

Par Kévin Lampron-Drolet

Visuel : Équipe de hockey de la Celanese, championne de la coupe du Magasin Central, 1937-1938.

Source : Société d’histoire de Drummond, Fonds Canadian Celanese ; P90-8.3C15