Barbina dans le couloir de la mort

Une semaine avant la date prévue de son exécution, Barbina réussit à s’échapper de sa prison, mais fut rattrapé. Il allait toutefois obtenir un sursis par Maître Talbot, qui avait entamé des procédures judiciaires afin que l’on demande la tenue d’un nouveau procès, pour la première fois au Bas-Canada dans le cas d’un procès criminel.

Le procès ayant été fortement médiatisé, notamment par l’entremise du journal Le Défricheur édité par Jean-Baptiste-Éric Dorion qui publia un compte-rendu du procès basé sur les notes de l’avocat Hemming, attira l’attention du grand public autant que des cercles judiciaires. Cette affaire allait ramener sur le tapis la question de la peine de mort, déjà dans l’air avec l’exécution du couple Aylward en Ontario en décembre 1862, présumé innocent du crime qui leur fut imputé et qui causa un grand tord au gouvernement.

Peu de temps après le procès, le député Langevin proposa un bill qui interdisant les exécutions capitales en public; il préconisait que ceux-ci soient effectués entre les quatre murs d’une prison, avec comme seuls témoins les employés de la prison.

Le verdict de culpabilité ne passa pas inaperçu lorsque huit des douze jurys, tous canadiens français, firent circuler une pétition demandant au gouverneur général que sa peine ne soit pas capitale, mais en soit une de prison à vie. Dorion supporta dès le début cette pétition, alors qu’elle occasionnait une vive opposition de la part des journaux non libéraux. Par exemple, le Montreal Witness s’offusquait que le clergé catholique ait l’audace d’appuyer une telle démarche, disant qu’il sacrifiait leurs principes à un sectarisme fanatique. Pour le journal c’était inconcevable qu’un être aussi machiavélique, qu’il dépeignait d’une cruauté sans bornes, ait la faveur d’une telle clémence du système de justice canadien.  À cela, Dorion répondit : « Il y a des gens qui pensent que la potence est un objet de moralisation pour la population.  Nous pensons le contraire. Voilà tout! »

L’appel ayant été rejeté, l’exécution de la peine de Barbina fut fixée au 29 avril 1864. Dorion anticipa avec mépris la construction, pour la première fois, d’une potence dans le comté d’Arthabaska. Encore une fois, une intervention à la dernière minute de l’Exécutif, le 28 avril, allait changer la peine de Barbina en une peine d’emprisonnement à vie au pénitencier provincial. Les opposants à la peine de mort avaient gagné cette bataille, mais il fallut attendre le 14 juillet 1976 afin que la peine de mort soit finalement abolie au Canada, alors que la dernière pendaison publique eût lieu en 1902.

Jason Thiffault

Photo J-B-E : Jean-Baptiste-Éric Dorion (Coll. SHD)