Les deux cents ans bien sonnés des églises St-Frédéric et St. George

 

Lors de la fondation de Drummondville en 1815, plusieurs vétérans de la Guerre de 1812 se voient attribués des concessions dans les cantons du bas Saint-François grâce à l’intermédiaire du surintendant désigné par la Couronne britannique, Frederick George Heriot. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, la colonie naissante est multiethnique. En effet, les premiers colons de 1815 sont principalement d’origine irlandaise, écossaise et anglaise, alors que ceux arrivés en 1816 sont de nationalité suisse, italienne, allemande, polonaise et française.

Plus de 250 vétérans participent ainsi aux débuts de Drummondville, en commençant par l’aménagement de la place d’Armes où sont construites trois baraques. Ces casernes rudimentaires servent d’abord d’espace d’entreposage pour les vivres, les outils et les armes, mais jouent aussi un rôle central dans la communauté, notamment en devenant le premier lieu de culte de la colonie, tant pour les anglicans que pour les catholiques. Rapidement, le bâtiment utilisé comme chapelle multiconfessionnelle s’avère trop petit pour tenir les offices religieux. Souhaitant favoriser l’harmonie entre ses concitoyens, Heriot offre aux deux principales confessions religieuses de la colonie un terrain permettant l’érection de leur église. Nées de la volonté d’Heriot de respecter la foi de tout un chacun, les premières églises immortalisent dès lors la grandeur de l’homme en utilisant ses prénoms, soit St-Frédéric pour les catholiques et St. George pour les anglicans.

À la suite de cet important don, la paroisse St. George est fondée en mai 1822, la première église catholique est construite en novembre et la première église anglicane est achevée en 1823. Fait intéressant : les deux hommes que l’on peut considérer comme les fondateurs de Drummondville, le lieutenant-colonel Frederick George Heriot et son bras droit, le capitaine Jacques Adhemar, s’investissent personnellement dans la construction de ces deux bâtiments. En effet, Adhemar demande le soutien des Sulpiciens de la région de Montréal pour aider à l’érection de l’église St-Frédéric tandis qu’Heriot suit de près les travaux de l’église St. George.

Même si, aux premières heures de la colonie, la cohabitation des catholiques et des anglicans semble relativement cordiale et équilibrée, certains écrits de l’époque indiquent que tout n’est pas rose. À titre d’exemple, l’abbé Jean Raimbault, qui officie les premières messes de 1816 à 1819, se donne pour mission de combattre le protestantisme et les mariages mixtes, alors que le pasteur anglican Samuel Simpson Wood, qui sera en exercice entre 1819 et 1827, reproche à Heriot sa trop grande tolérance envers les catholiques. Suivant la croissance démographique de la région, la proportion des catholiques face aux anglicans est toutefois de plus en plus majoritaire. Seulement dans le canton de Grantham, dont le chef-lieu est Drummondville, la répartition religieuse des familles passe de 66 % à 74% de catholiques et de 30 % à 21% d’anglicans entre 1831 et 1871.

À travers le temps, les églises St. George et St-Frédéric sont témoins d’événements marquants de l’histoire de Drummondville, tels que la course aux mariages de 1940 qui permet l’union de 23 couples en une seule journée de juillet ou encore l’ordination de Ruth Helenor Mathews en 1977, qui est alors la première femme au Québec à accéder à ce haut rang de la hiérarchie ecclésiastique. Aujourd’hui, les premières églises St. George et St-Frédéric n’existent peut-être plus, mais leur version actuelle se dresse toujours fièrement au centre-ville de Drummondville. Ainsi, la troisième église St. George, caractérisée par ses vitraux, sa tour crénelée et sa toiture d’ardoise, embellit le paysage urbain de la ville depuis 1864. La quatrième église St-Frédéric est quant à elle reconstruite entre 1923 et 1928 des suites du terrible incendie de Noël 1921. Faite à partir de matériaux nobles et incombustibles, tels le marbre, la pierre, la brique et le chêne, elle obtient le titre de basilique mineure en 2015.

Lieux de piété, de réjouissances, d’adieux et de discussions, ces bâtiments méritent assurément d’être célébrés maintenant qu’ils franchissent le cap des deux cents ans.

Geneviève Béliveau

Visuel 1 : Église anglicane St. George, Drummondville, vers 1950.

Source : SHD, Collection régionale; IC-2.3e180.

 

Visuel 2 : Église catholique St-Frédéric, Drummondville, 1958.

Source : SHD, Fonds Pierre Dozois; P184-009870.