1914 : Drummondville vend son « pouvoir d’eau »

 

C’est en 1896 que la Ville achète une centrale privée qui transforme le courant de la rivière Saint-François en électricité à la hauteur des chutes Lord, près du pont de chemin de fer. Dès le départ, la Ville doit investir pour augmenter la capacité des installations. Dans les années qui suivent, beaucoup d’argent est injecté dans cette entreprise, ce qui a pour effet de plomber le budget de la Ville.

Au début de février 1914, les citoyens de Drummondville élisent un nouveau conseil de ville dirigé par l’industriel Alexandre Mercure. Ce dernier croit qu’il est maintenant dans l’intérêt de la Ville de revendre à l’entreprise privée son « pouvoir d’eau ». Peu de temps après, la Ville reçoit de la Southern Canada Power, une compagnie d’électricité œuvrant dans les Cantons de l’Est, une offre d’achat de ses installations hydroélectriques. Le 24 avril 1914, le conseil adopte le Règlement numéro 19 qui lui permet de vendre à la Southern Canada Power son « pouvoir d’eau ».

Mais cette décision ne fait pas l’unanimité parmi les citoyens. Plusieurs d’entre eux demandent et obtiennent qu’un vote des propriétaires de la ville soit tenu le 20 mai sur la question. Pour que les parties puissent présenter leurs arguments à la population, une assemblée contradictoire est organisée dans le soubassement de l’église Saint-Frédéric le dimanche soir 10 mai.

Durant cette soirée, le maire présente un rapport démontrant que l’exploitation de la centrale est déficitaire d’au moins 6 000 $ par an. Ses opposants, le marchand Jos Montplaisir et le député de Saint-Hyacinthe Télesphore-Damien Bouchard lui répliquent que son rapport est incomplet, car il n’inclut pas les frais que la Ville paiera pour son électricité une fois qu’elle aura vendu ses installations. Dans la salle les esprits s’échauffent au fur et à mesure que la soirée avance. Puis les deux camps commencent à s’échanger des invectives au point que les orateurs n’arrivent plus à se faire entendre et l’assemblée est ajournée.

Lors du vote final, le 20 mai 1914, les électeurs ratifient le règlement de vente à raison de 104 pour et 28 contre. La transaction est conclue en juin pour un montant de 41 000 $ en obligations de la Southern Canada Power, ce qui représente la valeur de la dette de la Ville sur les actifs cédés. En pratique c’est comme si la Ville finançait l’acquéreur !

Malgré cela, cette décision constituera l’une des plus importantes que la Ville aura prise dans toute son histoire. L’implantation de la Southern Canada Power à Drummondville aura un effet majeur sur le développement économique de la ville à partir des années 1920. Mais en ce printemps 1914, à quelques semaines du déclenchement de la Première Guerre mondiale, personne n’a la moindre idée de l’impact qu’aura la vente d’installations hydroélectriques qu’on qualifierait aujourd’hui de dérisoires.

Robert Paré

Visuel : Barrage de bois qui dirigeait l’eau de la rivière vers la centrale au début du 20e siècle.

Source : Société d’histoire de Drummond, Collection régionale ; IC-2.4A48