Lundi soir 4 mars 1940. Une importante foule s’est rassemblée sur le quai de la gare de Drummondville. Toutes les organisations catholiques sont représentées : des Chevaliers de Colomb en costume d’apparat aux zouaves en passant par les Filles d’Isabelle. Ces gens sont venus souhaiter la bienvenue à Mgr Ildebrando Antoniutti, le délégué apostolique du pape Pie XII pour le Canada. Antoniutti est accompagné de l’évêque de Nicolet, Mgr Albini Lafortune. À leur descente du train, les éminents visiteurs sont accueillis par le chanoine Georges Melançon, curé de la paroisse Saint-Frédéric et par le maire Arthur Rajotte. Par la suite la foule les escorte jusqu’au presbytère où ils vont loger. On explique à la population que le délégué apostolique est en visite de courtoisie à Drummondville et que c’est tout un honneur pour la ville qui pavoise pour l’occasion. En réalité, le but de la visite d’Antoniutti est tout autre et il n’est pas dévoilé au public : le délégué apostolique est venu transmettre à Georges Melançon une demande formulée par le pape lui-même, celle de devenir évêque du diocèse de Chicoutimi. Melançon est ébranlé par cette demande. Il ne s’attendait pas à cela. On ne connaît pas les raisons exactes qui ont...

  Artiste peintre, dessinateur, illustrateur et membre de la prestigieuse Académie royale des arts du Canada, Lorne Holland Bouchard est reconnu pour ses scènes de ville et ses paysages ruraux associant réalisme et impressionnisme. La plupart de ses œuvres, réalisées en plein air, témoignent de ses nombreux voyages et des endroits où il a vécu, dont Drummondville. Lorne Holland Bouchard naît à Montréal le 19 mars 1913. Fils de Roch Bouchard et de Jennie Holland, il découvre la nature et le dessin à l’âge de sept ans dans le village natal de sa mère, Douglastown, un petit hameau gaspésien perché sur une colline au sud de l’estuaire de la rivière Saint-Jean. Ses parents remarquent très tôt son talent naturel et l’envoient étudier à l’École d’art Barnes dès 1928, sous la direction de Wilfred Molson Barnes, puis à l’École des beaux-arts de Montréal, de 1930 à 1932, auprès du professeur Maurice Félix. Les médiums préférés du jeune homme sont alors la peinture à l’huile, la tempera et l’aquarelle. Les premiers vernissages de Lorne Holland Bouchard se tiennent en 1931 dans les galeries de l’Académie royale des arts et de l’Association des arts de Montréal, une collaboration qui durera jusqu’au milieu des années soixante avec...

  Les légendes naissent souvent d’un fait vécu, un peu hors de l’ordinaire, raconté de descendant en descendant estimé de bonne foi. La transmission orale va son chemin d’une génération à l’autre, teintant le fait d’embellie ou de drame de sorte qu’il devient impossible aujourd’hui d’en confirmer l’exactitude. Chez les Archambault, par exemple, la légende du coup de foudre de l’aïeul Ephrem perdure encore de nos jours. Elle débute alors qu’il vit le deuil de sa première femme, Marie. On est en février 1910. Pour se changer les idées, il accepte l’invitation de sa sœur Armélia qui habite aux « États » et prend le train à Acton Vale en direction de Haverhill, au Massachusetts : un trajet de 550 kilomètres qui s’étend sur la ligne du Grand Trunk jusqu’à la frontière canado-américaine, à la hauteur de Norton, et qui traverse le massif des montagnes Blanches pour laisser ses passagers à Portland, dans le Maine. De là, à bord d’un convoi du Boston & Maine Railway, Ephrem rejoint enfin Haverhill, sa destination finale. Afin d’agrémenter le séjour d’Ephrem, Armélia et son mari Télesphore Larivière invitent une de leurs couturières, Alvinia Houle, veuve de son état, à venir jouer aux cartes à la maison....

  Alors que la population drummondvilloise s’adapte à diverses consignes en raison de la pandémie qui prévaut depuis presque un an, il y a tout lieu de revisiter les différentes restrictions qui ont été imposées à Drummondville au fil de son histoire. En octobre 1918, Drummondville n’échappe pas à la crise de la grippe espagnole qui frappe le monde entier. Rapidement, la maladie se propage et touche plus du quart de la population alors que la ville ne compte qu’environ 4 000 habitants, tuant plus de cinquante personnes. Les conditions de vie engendrées par l’industrialisation (entassement des familles, absence d’aqueducs et d’égouts convenables et manque de soins médicaux) favorisent les risques de contagion, forçant le conseil municipal de Drummondville à mettre sur pied le Bureau local d’hygiène le 4 octobre 1918 afin d’enrayer la progression de la maladie. Tout comme dans de nombreuses municipalités de la province, les réunions et les divers rassemblements sont interdits tandis que les écoles et autres lieux publics sont fermés. Les lieux de culte, plus qu’importants à l’époque, doivent également cesser leurs services. L’école Garceau est, quant à elle, convertie en hôpital pour pallier le manque de lits de l’Hôpital Sainte-Croix. Quelques semaines plus tard, l’épidémie s’estompe...

  Depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, que de fois n’a-t-on pas entendu la phrase suivante en période de récession: ça prendrait une bonne guerre pour relancer l’économie! Qu’en est-il vraiment? Assurément, l’entrée en guerre du Canada le 10 septembre 1939 provoque une mobilisation totale des ressources du pays pour répondre aux besoins de l’armée et des Alliés. La Canadian Celanese et la Drummondville Cotton tournent à plein régime, l’agriculture est sollicitée pour fournir de la viande et des produits laitiers. Oublier la crise, le chômage disparaît et on embauche davantage de femmes pour combler les besoins de l’industrie. Cette prospérité apparente a cependant un coût très élevé. Pour financer cette ruineuse entreprise, l’État puise dans les poches des contribuables. L’impôt sur le revenu est majoré de 20%. Le gouvernement augmente les taxes ou en crée de nouvelles sur l’alcool, le vin, le tabac, les boissons gazeuses, le thé et le café, le gaz et l’électricité. Mais cela ne suffit pas; pour combler les déficits de plus en plus considérables, il faut emprunter. Ottawa lance donc neuf campagnes pour inciter le public à acheter des Obligations de la Victoire. La dette explose, passant de 5 milliards $ à 18 milliards...

  La forte croissance de Drummondville durant les années 1920 oblige les autorités municipales à trouver de nouvelles sources de revenus. La Ville adopte ainsi en 1923 le règlement 111 qui lui permet d’imposer des licences sur « … tous commerces, manufactures, établissements financiers ou commerciaux, occupations, arts, professions, métiers ou moyens de profits ou d’existence désignés dans la nomenclature suivante, exercés ou exploités dans la ville de Drummondville par une ou des personnes, sociétés ou corporation. » Le coût de ces licences va de 10 $ pour les vendeurs de glace à 200 $ pour les colporteurs, les compagnies de toutes sortes ainsi que les vendeurs de bière et de vin. Les professionnels ne sont pas épargnés. Avocats, notaires, médecins, dentistes, ingénieurs, architectes et opticiens doivent débourser 50 $ pour exercer leur art. En fait, on pourrait croire que les journaliers, les cultivateurs et les employés d’usine sont les seuls à ne pas être touchés. Eh bien non ! Une taxe de 2 $ s’applique aussi « … sur tout habitant mâle âgé de 21 ans et plus, ayant résidé dans la ville depuis six mois et qui n’est chargé d’aucune autre taxe ou licence. » Cependant, la loi prévoit quelques rares exceptions. « Cette taxe ne s’appliquera...

  Route menant à Saint-Guillaume, le 25 août 1917. Le vendeur d’automobiles Zotique Bourdon, de Longueuil, roule à bord d’une Overland cinq places en compagnie de Roméo Bolduc, un client à qui il a vendu une voiture la veille et qu’il doit reconduire chez lui pour conclure la transaction. Une vente comme les autres a priori, mais en chemin, Bolduc sort un pistolet de calibre .38 et abat Bourdon de trois balles à bout portant. Le motif du crime semble être l’appât du gain : l’automobile et les quelques billets que la victime avait sur elle au moment du drame. La petite municipalité du comté de Drummond est sous le choc. Le procès du « tueur de Saint-Guillaume » fait couler beaucoup d’encre, notamment parce que Bolduc est reconnu coupable de meurtre prémédité, mais surtout parce qu’il est condamné à être pendu haut et court quelques mois plus tard. Une copie du compte-rendu du procès de Bolduc, tenu devant jurés entre le 22 et le 24 janvier 1918, est conservée dans le dépôt d’archives de la Société d’histoire de Drummond. Il rappelle les faits qui précèdent, accompagnent et suivent le meurtre de Bourdon. En voici un résumé. La veille de l’homicide, Bolduc se trouve...

  Situé au cœur d’un paysage enchanteur, sur la rive nord de la rivière Saint-François, le campus universitaire de Drummondville est aménagé sur l’ancien domaine de la famille Sheppard, un site historique au passé méconnu dont l’occupation remonte au milieu du dix-neuvième siècle. William Sheppard, marchand d’origine anglaise et homme politique canadien, est le premier à s’y établir avec son épouse, Harriett Campbell, en 1848. Le couple habitait auparavant Sillery, où William avait fait fortune dans le commerce du bois et la construction de navires, et vivait dans une luxueuse villa entourée de cent arpents de bois, surnommée à juste titre Woodfield, qu’il avait dû vendre en raison de soucis financiers, peu avant de quitter la ville. Les Sheppard s’installent donc dans le canton de Wendover, aux abords de la rivière, non loin de la famille Trent. Passionnés par les fleurs, les plantes et l’horticulture, ces derniers font construire sur leur nouveau domaine une imposante villa en pierre de deux étages qu’ils baptisent avec une touche de poésie « Fairymead », qui signifie « breuvage féérique » ou « hydromel de fée ». La nouvelle propriété de William et Harriett n’a certes pas l’allure de Woodfield, avec sa galerie de peintures, son...

  Tout au long de son histoire, Drummondville a été observée et étudiée par des individus de tous genres. Les historiens par exemple se sont penchés sur son passé ; les journalistes, sur son présent ; et les artistes, sur ses traits caractéristiques. L’objectivité étant absente du regard de quiconque épie avec une intention précise, certains l’ont présentée avec complaisance, d’autres l’ont dépeinte avec moins d’égard. Néanmoins, la plupart nous l’ont fait connaître davantage. C’est déjà beaucoup. Le sociologue Everett Cherrington Hugues est l’un de ceux-là. Américain, originaire de Beaver en Ohio, Everett Cherrington Hugues (1897-1983) entreprend ses études en sociologie à la prestigieuse Université de Chicago durant l’entre-deux-guerres et y défend sa thèse de doctorat avec succès en 1928. Lorsqu’il largue sa toge et son mortier de graduation, ce dernier enseigne déjà depuis un an au département de sociologie de l’Université McGill, à Montréal, où il œuvre durant dix ans. Pendant son séjour dans la métropole, Hugues découvre le fait français et s’éprend de la culture ambiante. Il constate aussi l’existence des deux solitudes et s’intéresse à la rencontre de ces « deux mondes » dans les localités où l’industrialisation oblige les interactions ; les ouvriers étant majoritairement canadiens-français et...

     La participation des femmes dans la politique canadienne ne date pas d’hier. Déjà durant la Première Guerre mondiale, elles luttaient pour le droit de voter aux élections fédérales, un privilège longtemps réservé aux hommes, qu’elles obtiennent finalement le 24 mai 1918 et dont elles se prévalent pour la première fois lors du scrutin général de 1921. Un moment marquant pour la démocratie et une date incontournable du calendrier féministe canadien.      Cette élection, qui propulse le libéral William Lyon Mackenzie King à la tête du pays, ouvre aussi les portes de la Chambre des communes à l’Ontarienne Agnes Macphail, qui devient la première femme députée de l’histoire du Canada. En plus de défendre les droits des agriculteurs, elle milite pour les droits des mineurs et des immigrants. Plus encore, elle montre la voie aux autres suffragettes de sa génération qui poursuivent la lutte dans les provinces et qui incarnent à leur tour l’univers des possibles pour toutes celles qui suivront.      Depuis son élection, il y a près de cent ans, plus de trois cent cinquante Canadiennes ont marché dans ses pas pour se rendre au Parlement. Au Québec, il faut attendre l’élection générale fédérale de 1972 pour que l’électorat envoie...